Longtemps réservés à quelques « happy few », les systèmes de communications unifiées s’ouvrent aujourd’hui à de plus en plus d’entreprises et de collaborateurs, quels que soient leurs terminaux.
Ils sont en permanence ultra-connectés, par l’intermédiaire des téléphones mobiles, systèmes de visio et réseaux, et jonglent souvent d’un système à l’autre en un petit clic seulement, avec une efficacité et une dextérité qui laissent songeur… Ils, ce sont les espions de la très convaincante série télévisée française « Le Bureau des légendes », qui vient d’être diffusée sur Canal+ et met en scène des agents secrets auxquels on a attribué une identité et une histoire secrète (la fameuse « légende ») afin de faciliter leur intégration dans l’environnement qu’ils doivent surveiller. Mais les espions de cette série sont loin d’être les seuls à être passés maître dans l’art d’utiliser simultanément plusieurs outils.
Après avoir longtemps surtout essaimé dans les grands comptes, les systèmes de communication unifiés, en discussion depuis le début des années 2000, font ainsi aujourd’hui des émules dans de multiples entreprises de toutes tailles, où ils ont vocation à fluidifier les échanges entre salariés et partenaires. Peu importe le canal utilisé. Mais « suivant un modèle qui a considérablement évolué durant ces dernières années », si l’on en croît Jehan- Philippe Leroy, PDG d’Integrasys, le principal distributeur hexagonal de solutions de communications unifiées. « Tout a commencé avec la voix sur IP », explique-t-il. « Mais les solutions ont rapidement évolué pour proposer aussi, au travers des réseaux IP, d’autres offres complémentaires de la voix, comme la visioconférence ou le partage de documents… »
Simplification des échanges
Pour les professionnels intéressés, les innovations les plus importantes résident moins dans les technologies de communications unifiées elles-mêmes que dans la mise à disposition de nouveaux standards de communication qui facilitent leur diffusions (le protocole SIP – « Session Initiation Protocol » – pour le son et l’image, ou bien norme de codage H.264 pour la vidéo…). « C’est particulièrement le cas de la technologie Web RTC, initialement poussée par Google, qui facilite la création de nouvelles applications Web convergentes très liées aux communications unifiées », rappelle Guillaume Boulle, responsable national de l’offre « collaboration et business interoperability » chez NextiraOne, une grande société de services hexagonale spécialisée dans l’intégration réseau et télécoms.
Même son de clochez chez l’opérateur Colt Technology Services, où Olivier de Nomazy, responsable marketing voix, ajoute que ce protocole – supporté par Colt – « facilite l’utilisation de tous types de terminaux pour se connecter aux plate-formes de communications unifiées ». Plus besoin de télécharger des extensions ou des plugins. Il suffit que le terminal en question soit équipé d’un navigateur Web utilisant la technologie Web RTC (c’est déjà le cs pour Google Chrome, Firefox, Internet Explorer ou Safari…) pour qu’il puisse être utilisé pour participer à une webconférence.
Intégration « sans couture » avec l’existant
L’autre enjeu majeur réside dans la capacité des fournisseurs d’équipements et de solutions à offrir une intégration « seamless » (sans couture) entre les solutions de communications unifiées et l’existant informatique de l’entreprise. « C’est par exemple l’objectif de l’intégration native des solutions de communications unifiées Polycom (audio, vidéo et partage de contenus) avec le système Skype Enterprise de Microsoft », souligne Frédéric Batut, Vice-président des ventes pour l’Europe du sud chez Polycom. Le bénéfice pour les entreprises ? « L’intégration entre les deux offres est beaucoup plus poussée qu’elle ne l’était lorsque l’on se contentait d’utiliser des passerelles », précise ce spécialiste. « Ce qui signifie que n’importe quel utilisateur de l’entreprise équipé d’un PC portable sur lequel est installée la solution Skype Entreprise – peut entrer en temps réel en communication avec une salle de visioconférence Polycom ».
Autre exemple : la start-up française BlueMind, qui éditeur la plate-forme de messagerie collaborative éponyme, « a travaillé en recherche et en développement avec Avencall » (éditeur de logiciels de communication open source) « pour interconnecter la messagerie avec une brique de téléphonie pure », souligne Sylvain Garcia, directeur avant-ventes de Bluemind. « Nos ingénieurs respectifs – informaticiens et spécialistes des télécoms – ne partagent pas la même culture à l’origine. Mais nous nous devions de travailler ensemble pour proposer des interactions profondes entre nos deux logiciels et pour pouvoir lancer de nouvelles fonctionnalités très simples à utiliser. À l’arrivée, les deux jeunes pousses « proposent un poste de travail complet associant à XiVO, la solution de téléphonie sur IP d’Avencal, les fonctionnalités de messagerie collaborative de Blue Mind », poursuit Sylvain Garcia.
Ce n’est qu’un début. Pour Jean-Denis Garo, directeur marketing Europe du Sud de Mitel, l’un des principaux pourvoyeurs d’équipements et de solutions de communications unifiées, tout l’enjeu est désormais d’aller au-delà des fonctions de base des communications unifiées (audio, vidéo, webconférence, messagerie instantanée, présence ou couplage téléphonie-informatique…) afin de « proposer un degré d’unification supplémentaire avec les charges de travail ». Désormais, le groupe canadien parle beaucoup de « workstream communications »… Il n’est le seul : son concurrent Cisco (voir entretien) a un cheval de bataille identique, de même que plusieurs start-ups (Slack, Zula…) qui se sont fait une spécialité de développer des technologies permettant de fédérer les communications et les documents associés. À suivre…
« Faire converger web conferencing et salles de réunions »
Pour Fabien Medah, directeur technique « solutions de collaboration » chez Cisco France, les solutions de communications unifiées sont en train de franchir une nouvelle étape, en intégrant de façon plus poussée le « web conferencing » et les salles de réunion, mais aussi les technologies de communication synchrones et asynchrones…
Que recouvrent, d’après vous, les communications unifiées ?
Fabien Medah : On appelle technologies de communications unifiées, ou outils collaboratifs, les solutions qui ont pour objectif de faciliter les échanges entre des personnes qui travaillent ensemble, aussi bien dans enceinte de l’entreprise qu’à l’extérieur de celle-ci. Il s’agit de réunir et d’unifier tous les outils qui doivent aider à fluidifier la collaboration : celles qui sont liées à la relation client et aux centres d’appels, celles qui touchent aux outils de communication (téléphonie, messagerie instantanée, vidéo….), et celles qui sont dédiées à l’organisation des réunions virtuelles. Les réunions de ce type évoluent très rapidement en ce moment.Pourquoi et comment évoluent-elles ?
Fabien Medah : Sur le marché des communications unifiées, vous aviez historiquement les systèmes de web conferencing – surtout utilisés sur le poste de travail – et les outils de vidéo conférence et de téléprésence, principalement proposés dans des salles de réunion idoines. Ces deux segments de marché, qui ont chacun leur utilité, convergent actuellement afin de proposer des environnements unifiés appelés « collaboration meeting rooms ». L’objectif n’est pas de privilégier le « web conferencing » mais bel et bien de rapprocher les nouvelles technologies Web de celles qui sont mises à disposition dans les salles de réunion. Chacun doit pouvoir choisir de rejoindre la réunion virtuelle avec la solution qui lui convient le mieux à l’instant T. Il s’agira probablement d’une webconférence s’il est en déplacement ou bien d’un pont de conférence vidéo s’il a la possibilité de s’installer plus confortablement dans l’une des salles de réunion équipées…Les interfaces de connexion sont-elles les mêmes dans tous ces univers ?
Fabien Medah : Nous développons une nouvelle catégorie d’outils de travail collaboratif – Cisco Spark – qui a pour but de fédérer en un seul endroit tous les contacts d’une personne et tous les outils de communication et les applicatifs qu’elles vont devoir utiliser pour faire avancer leur projet. L’innovation se situe dans le rassemblement sur un même service Web de plusieurs outils synchrones de communication en temps réel (voix, vidéo, chat ou présence…) et asynchrones (entrepôts de documents ou gestionnaires de tâches…).Il y a donc plus de cloud et de moins en moins d’équipements dédiés ?
Non, les deux solutions ne sont pas antagonistes mais elles se complètent. À l’avenir, une entreprise doit pouvoir conserver les systèmes de vidéoconférence qu’elle a déjà déployés et y ajouter à la demande de nouveaux services complémentaires piochés dans le cloud. C’est ce que l’on appelle les « hybrid services » (services hybrides). Et c’est pour faciliter ce mouvement vers des architectures plus ouvertes que nous avons racheté l’an dernier Acano, une société qui a mis au point une plate-forme permettant de jeter des ponts vers de multiples outils proposés par des tiers [Microsoft, Polycom ou Lifesize, par exemple…]. C’est aussi pour cela que nous développons à nos frais et nativement un certain nombre connecteurs et d’interfaces de programmation (API).
Enfin, nous sommes ouverts aux moteurs d’automatisation (IFTTT, Zapier ou Built.io, par exemple) qui ont déjà fait une bonne partie de ce travail d’intégration et facilitent en conséquence la tâche des entreprises intéressées…