Journal des télécoms – « Les batteries et powerbanks montent en charge » (11/2016)

Très dynamique, le marché des powerbanks et batteries de secours pour téléphones mobiles croît plus vite que celui des smartphones. Décryptage des principaux enjeux pour les distributeurs.

Faut-il miser sur le marché des batteries de secours et autres stations de rechargement pour smartphones ? Oui, répondent à l’unisson toutes les personnes que nous avons interrogées pour cet article, non sans émettre quelques bémols sur la possibilité pour un distributeur de se faire une place sur ce créneau. « La vigueur du marché dépend toujours des nouveaux produits que livrent les fabricants de téléphones, et notamment de leur capacité à réduire la consommation d’énergie », reconnaît d’emblée Thierry Zeitoun, fondateur du spécialiste français des accessoires high tech Urban Factory (plus grand pourvoyeur de batteries de secours et de powerbanks de rechargement universel dans l’Hexagone). « Mais il se trouve que cette consommation d’énergie n’a cessé de croître jusqu’ici ! », se réjouit-il.

Cette hausse continue s’explique aussi bien par la montée en puissance des smartphones que par la multiplication d’applications particulièrement gourmandes en énergie, très courues sur le marché grand public (Whatsapp, Facebook Messenger, Google Maps ou Viber…).

L’affaire peut sembler anecdotique mais le nouveau jeu Pokémon GO, qui utilise au moins deux des fonctions les plus énergivores des smartphones (le GPS et l’appareil photo), aurait ainsi drainé cet été une foule de joueurs accros vers les échoppes spécialisées dans les batteries de secours. « Le phénomène est en train de retomber mais nous avons multiplié nos ventes par trois entre juin et juillet 2016, juste après le lancement du jeu », s’amuse Thierry Zeitoun. Les études de l’institut GfK confirment cette tendance : il estime que les vendeurs de batteries externes ont écoulé plus de 450 000 unités en juillet 2016 (contre 330 000 pièces en décembre 2015, un moins traditionnellement très fort pour les ventes de biens techniques). Les ventes se portaient déjà bien avant l’arrivée du jeu de Nintendo : 1,7 millions de batteries externes ont été vendues en France en 2015, contre 550 000 un an plus tôt.

Trouver une place

« Les smartphones ont beau accroître leur autonomie, nous utilisons nos smartphones pour effectuer de plus en plus de tâches au quotidien et sommes tous occasionnellement confrontés à des problèmes de batteries », déclare Nicolas Larmet, chef de produits accessoires et objets connectés chez ALSO France (ex-Actebis), l’un des principaux grossistes IT en Europe. Il propose principalement aux revendeurs des batteries de secours de marque Urban Factory, mais aussi des batteries conçues par les équipementiers TP-Link et D-Link… « La demande est très forte sur le marché grand public, et de plus en plus aussi sur le marché pro, mais les batteries externes sont pour l’heure surtout distribuées par des sites de e-commerce », tempère-t-il. « L’autre spécificité du marché consiste dans la place importante que ces enseignes réservent à leurs propres produits, distribués en marques propres » : LDLC commercialise des LDLC Power Bank, Boulanger distribue une batterie externe EssentielB, et Decathlon propose en exclusivité aux sportifs des batteries externes Onpower (dans sa gamme de produits high tech Geonaute)… La plupart choisissent de faire fabriquer par des tiers ces batteries qui arborent leur marque.

Point négatif pour les distributeurs, l’offre est hétérogène et donc relativement « diluée » et difficile à cerner. Point positif, le marché est mûr et les capacités des batteries externes vont crescendo . Les modèles à 1000 milli-ampères heure (mAh) ont ainsi presque disparu aujourd’hui au profit de nouvelles batteries de 3 000, 4 000 ou plus de 5 000 mAh, qui garantissent des recharges plus rapides et efficaces, aidées par le développement de nouvelles technologies de recharge rapide (en particulier la technologie Quick Charge de Qualcomm).

Entre autres exemples, la batterie Asus ZenPower a un format de carte de crédit et est dotée d’une capacité de 10 050 mAh, tandis que les recharges du chinois Aukey offrent des capacités de 16000 mAh ou 20000 mAh et disposent de plusieurs ports pour autoriser le chargement simultané de plusieurs terminaux (smartphone Apple ou Android, liseuse numérique, tablette ou ordinateur portable…). D’autres constructeurs, comme Sony (avec ses minuscules chargeurs CP-V3 aux couleurs « vibrantes »), Urban Factory (avec ses batteries de secours Bricks…) ou l’américain Mophie (avec ses élégantes coques « Juice Pack », qui intègrent une batterie externe) se démarquent sur le design et ciblent les technophiles sensibles aux tendances du moment…

Du côté des powerbanks, l’offre, tout aussi prolifique, « est tirée par la multiplication des équipements électroniques que nous utilisons tous quotidiennement », constate Nicolas Larmet chez ALSO. Les chargeurs de batterie de ce type sont équipés de plusieurs ports USB ou micro-USB en sortie pour alimenter en énergie un ensemble d’objets numériques : les smartphones, bien sûr, mais aussi les GPS, baladeurs, enregistreurs et certains appareils photos numériques alimentés via un port USB… « On assiste à une relative standardisation des connecteurs de charge qui facilitent l’utilisation des chargeurs avec tous types d’équipements », relève Michel Bassot, directeur général de Bigben Connected, un grossiste et fabricant d’objets et d’accessoires connectés (portant les marques Bigben, Thomson…). « Ces équipements peuvent aujourd’hui être utilisés pour alimenter des GPS, des chauffe-biberons ou même des sondeurs de pêche… »

Innovations sur de nouveaux marchés

Conséquence logique, les fabricants comme Bigben Connected innovent tous azimuts afin de répondre aux attentes de cibles très précises,. Bigben a déjà fait sensation avec le développement pour la marque Quicksilver d’une batterie de secours (4400 mAh) qui fait aussi office de « chaufferette de poche » et elle s’intéresse de près aux sacoches et sacs intégrant une batterie de secours. Et le groupe allemand Conrad, spécialisé dans l’électronique Conrad, a mis au point une minuscule batterie (5200 mAh) intégrant une lampe LED et un briquet à incandescence. De quoi vous aider à « allumer un feu même en cas de tempête ou de froid polaire », précise-t-il sur son site marchand !

Reste pour les fabricants à « sensibiliser les revendeurs au potentiel de ces nouvelles offres », explique Michel Bassot. « Nous organisons régulièrement des sessions de formation pour leur présenter nos produits, des cas d’usage et des argumentaires de vente : c’est parfois aussi simple que de préciser aux clients que les pannes de batteries d’après 17h ne sont plus tolérables dans notre société de plus en plus connectée ».

« Il est aussi impératif qu’ils s’intéressent à la sécurité », conseille de son côté Vincent Lugnier, responsable produits chez Macway, distributeur et fabricant strasbourgeois spécialisé dans les produits high tech (stockage, recharge, audio…). « On trouve tout et n’importe quoi sur le marché, y compris des modèles qui affichent des ampérages très élevés sans rapport avec leurs performances réelle… » Toute la difficulté pour un distributeur qui fait fabriquer des batteries, comme Macway, consiste à « choisisseur un fournisseur industriel reconnu, avec lequel il travaille régulièrement et dont il sait qu’il respecte de très standards de qualité », poursuit-il. « La qualité d’une batterie dépend en grande partie de la qualité de ses cellules ».

Signe du potentiel de ce marché, Macway, distributeur bien connu dans l’univers Apple, a été l’un des premiers à se doter de sa propre ligne de chargeurs haut de gamme (dans sa gamme Novodio). Elle comprend à ce jour une batterie externe universelle PureWatt Station 50 000 (50 000 mAh pour la recharge de 5 appareils en simultané), un chargeur Novodio Smart 6 (6 ports USB ultra-rapides) et des batteries ultra-plate Novodio Power Card… Mais ce n’est qu’un début.

Un marché qui croît plus vite que celui des smartphones
Dans son dernier bilan « des marchés des biens techniques en France », l’institut GfK est formel : le marché de tous les accessoires qui gravitent autour du smartphone (accessoires ou compagnons…) bénéficie d’une croissance bien plus forte que celui des téléphones intelligents, qui tend à plafonner (avec près de 3,5 milliards de revenus en France l’an dernier). À eux seuls, les accessoires (chargeurs, batteries de secours, powerbanks, protections…) ont vu leur chiffre d’affaires s’envoler de 25% l’an dernier pour franchir la barre des 400 millions d’euros. Ils arrivent juste derrière d’autres accessoires compagnons « qui dépendent plus ou moins du smartphone » (stations d’écoute, montres et bracelets connectés, casques…) et pèsent pour leur part plus de 760 millions d’euros (+35% sur l’année). Ensemble, ces deux segments de marché génèrent l’équivalent d’un tiers du chiffre d’affaires réalisé avec les terminaux. Difficile de faire l’impasse…